Suite aux affrontements de lundi, Julien Durand, lors d’un entretien avec
un journaliste de Libération crée un clivage de plus entre divers types d’opposants à l’aéroport. Les classifiant au passage pour créer une dichotomie entre légitimes et non-légitimes.
Pire, il accuse, ceux qui se défendent face aux violences policières dont les méfaits ne sont plus à démontrer, de vouloir nuire à la lutte : « C’est de la provocation ! Une petite équipe de manipulateurs tente de faire dégénérer le mouvement d’opposition ! ».
Par ailleurs, avec une mauvaise foi inacceptable, il oublie l’opération Yes chicanes ! et tout le travail de ceux qui tiennent les routes pour que les riverains puissent circuler au mieux tout en protégeant la zone : « Les opposants historiques ont alors tenté d’expliquer que cette route, la seule restant en circulation libre dans la ZAD, est indispensable au travail des riverains et des paysans. «Manipulés par quelques agitateurs irresponsables, ils n’ont rien voulu entendre», déplore le porte-parole. »
Quels opposants historiques ? Qu’est-ce que cela veut dire « opposants historiques » ? Ceux des opposants qui subissent depuis des années les violences des gendarmes mobiles perdent-ils leur ancienneté lorsqu’ils se défendent ?
En outre, cette route n’est pas en « circulation libre » puisque le carrefour est constamment occupé par les forces de l’ordre depuis novembre 2012. Forces de l’ordre qui appliquent des ordres qu’eux-mêmes ne sont pas capables d’expliquer tant ils sont ineptes.
Quel est ce jeu opéré par Julien Durand, un jeu de communication pour tirer la couverture à soi et valoriser sa position tout en crachant sur ceux, qui au mépris des risques de blessures, d’arrestations arbitraires protègent « son territoire », la lutte. C’est utiliser certains occupants comme chair à canon et simultanément, se dégager de tout risque de
conséquences. C’est obscène.
Si personne n’avait résisté lors des affrontements de novembre, Julien Durand pourrait-il encore aujourd’hui parler de cette lutte, être encore en lutte ?
Faut-il rappeler à Julien Durand la longue liste de blessés sur la zone ? Faut-il rappeler que lutter contre l’aéroport et son monde, c’est lutter contre les violences policières, l’usage de ces armes dites non-létales dont l’État français fait désormais un commerce florissant qui s’exporte partout dans le monde ?
Il parle en son nom, sous couvert de son statut de porte-parole de l’Acipa pour légitimer sa parole. N’est-ce pas, justement, de la manipulation ?
L’intelligence de la lutte n’est pas la création de dissensions entre diverses modalités d’opposition. Et pourtant, trop souvent, certains font ce jeu du clivage sans reconnaître l’importance de chacun, sans reconnaître comme les différences des uns et des autres sont riches pour répondre à l’arbitraire de l’État sur tous les fronts.
Julien Durand veut-il que nous soyons blessés pour lui, veut-il que nous soyons emprisonnés pour lui ? Veut-il que nous nous couchions devant les gendarmes mobiles pour lui ? Veut-il faire le jeu de l’État qui diabolise les opposants en les désignant comme « professionnels de la violence », « terroristes » et autres qualificatifs ineptes ?
Il n’est pas question de dichotomie entre résistance pacifique ou pas, il est question de défense, de sauvegarde. Combien de blessés faudra-t-il encore pour que lui, qui ne vit pas chaque jour en subissant les provocations policières, les humiliations, comprenne que la résistance peut prendre plusieurs formes ? Combien d’éclats de grenades dans les chairs de ceux qui luttent à ses côtés faudra-t-il pour qu’il comprenne qu’il y a une différence notoire entre défense et attaque ?
Il n’est pas question de faire le jeu des forces de l’ordre qui font perpétuellement cette puérile inter-accusation cherchant qui a commencé, mais seulement de comprendre que la violence d’État est inacceptable.